mardi 30 juin 2015

Le retour d'un voyage au long cours



Voici un an, je rentrais de voyage, certaine d’être repartie dans les six mois. Nous voici en juin 2015, Paris Plage s’annonce, la France commence à partir en congés et la vie ralentit à la faveur de l’été… Comment conserver les bienfaits du voyage et comment réussir son retour ?

C’est l'une des grandes questions de voyageurs au long cours. Le retour difficile de l'étranger, je connais : après une année Erasmus à Berlin, le retour à la vie française fut rude et suivi d'une déprime latente de quelques années: nostalgie de l'étranger et des ambiances internationales, aucun goût pour mon environnement proche, des envies d'ailleurs, etc., etc. Bref, quand j'ai décidé de partir en voyage, il était exclu de repasser par là et ce qui me réjouit, c'est que jusqu'à présent, c'est plutôt réussi. 

Peut-on donner des conseils ? Chacun est différent. Certains écrivent un livre sur leur voyage qui leur permet de prolonger l’expérience, de la revivre, d’en dégager du sens et de la partager avec d’autres, comme un passage de relais entre rêveurs et voyageurs. D’autres changent de carrière pour mettre leur activité en accord avec leurs valeurs. Certains choisissent la vie nomade, tandis que d’autres luttent pour ne pas reprendre la route dès le lendemain. D’autres encore retrouvent leur poste et leur appartement comme ils les avaient laissés, le temps de se poser pour faire de nouveaux projets, presque étonnés de ne pas souffrir du retour. 

C’est mon cas. J’ai pensé parfois que tout lâcher avant le grand départ aurait été préférable : je me serais sentie libre de rester vivre en Nouvelle Zélande, par exemple. Jusqu'à ce qu'une amie me confie sa difficulté s’ancrer à nouveau quelque part alors que plus rien ni personne ne vous attend. Je suis revenue à Paris le temps de quitter mon appartement et mon travail proprement. Les avoir conservés m’assuraient mon indépendance et la reprise de la vie quotidienne a été facile. J'y suis encore et je commence à ressentir l'urgence de transformer ce voyage en un nouveau projet de vie. Celui-ci avance à petits pas, doucement, parfois trop doucement à mon goût, mais dans tous les cas, j'ai beau avoir repris mon appartement et mon boulot, ma vie n'est plus la même.

Mon regard sur le monde a changé et les nouvelles rencontres sont devenues bien plus faciles. J’ai réfléchi à ce qui m’avait rendue si heureuse à la fin de ce voyage. C'est simple, ça tient en quelques mots :

Être 
 (plutôt qu’avoir) 

Agir et faire de ses propres mains
(plutôt qu'acheter et consommer) 

Aimer et faire Confiance 
(laisser tomber les barrières et les jugements a priori) 

Partager 
(un repas, un sourire, des projets, une idée, une danse, une soirée, des compétences, un jardin...)


« Be, do, love and share » : c’est possible partout et dans mon cas, c’est le meilleur moyen de garder vivant le bonheur de la route. Ça et écouter ses envies profondes, leur donner vie et aller vers ce qui nous apporte de la joie et nous nourrit. On a les obligations qu'on veut bien s'imposer... Et puis continuer à sortir de sa zone de confort et entretenir son ouverture à l’autre, sa curiosité pour le monde et sa capacité à s’émerveiller. Soyons honnête, ce n'est pas toujours facile, mais le jeu en vaut la chandelle si l’on veut rester en mouvement, continuer d'apprendre et découvrir de nouveaux espaces sans changer de pays, ni même de ville. C'est ainsi que le voyage se poursuit.

Le blog ayant sommeillé pendant un an, je ne sais par qui ce texte sera lu, mais je le confie à la toile: peut-être qu'au hasard d'un mot-clé, des voyageurs de retour auront envie de partager leur expérience ou des aspirants voyageurs y trouveront une raison supplémentaire de prendre la route.

mardi 16 septembre 2014

Lorsqu'une oeuvre résonne en vous

Il y a bientôt quatre mois, j'entrais dans une petite galerie de Melbourne, où une artiste, Efrossini Chaniotis, exposait ses œuvres.

C'était mon dernier jour dans l'hémisphère Sud, le dernier jour de mon premier grand voyage, et j'y ai trouvé l'écho de ma propre aventure. 

Cette oeuvre a résonné en moi comme si elle avait créée pour que nous nous rencontrions là, à cet instant.

Comme une conclusion poétique à ces neuf mois de voyage, à la fois simple, belle et juste. Elle peut sembler naïve, mais elle sonnait si vrai...  

Depuis longtemps, j'avais envie de vous la faire partager, en voici quelques extraits.


Once upon a time, there was a girl...

... who looked up at the sky a lot.




One day, a star came down to take a closer look at her.


It sangs her songs of sunrises and sunsets...









...and with this, it entered her heart...



...and decided to stay a while.









mercredi 11 juin 2014

Le voyage continue

Me voici de retour à Paname à l'issue d'un voyage de neuf mois qui m'a menée jusqu'en Nouvelle-Zélande, vers une période de légèreté et de bonheur inattendue.

Par où commencer? D'abord, un grand merci à ma famille (notamment, de m'avoir supporté dans tous les sens du terme avant le départ!), aux amis pour leur soutien, à tous ceux qui m'ont suivie et laissé des petits mots, à Trid pour ses nombreux conseils envoyés depuis son périple en Afrique, ainsi qu'à toutes les personnes rencontrées sur la route, à celles qui m'ont accueillie et à mes compagnons de voyage.

Ensuite, je n'allais pas vous laisser sur cette histoire de taxi. Elle aura au moins eu le mérite de faire rire une amie! Et comme l'a souligné une autre personne, il y a aussi des gens sympas en France. Voici donc un petit bilan pas très pratique, mais très sincère.

*

Je suis partie en quête du monde, de rencontres, de beauté et de moi-même. Avec une soif de découverte que je pensais inextinguible. De Saint-Pétersbourg à Tokyo par voie terrestre et maritime, j'ai commencé à en éprouver toute la diversité et je m'en suis enivrée. Au point d'avoir la gueule de bois au Japon ; je me souviens avoir pensé: "je suis au pays du soleil levant. Certes... Et alors?". Au rythme trop rapide d'une traversée pourtant voulue, tout commençait à se valoir. J'ai ralenti et me suis échouée par erreur à Bali, où le blues m'a saisie, plongeant ses racines dans la fatigue accumulée. Je ne regrette rien: ça fait partie du voyage.

J'ai dormi. J'ai fait de nouvelles rencontres. J'ai exploré de nouveaux mondes, ceux des fonds marins et de l'esprit. Jusqu'à ressentir à nouveau, progressivement, l'envie d'aller de l'avant. J'ai repris ma route, doucement, au hasard de mes envies, d'une phrase, d'une réservation d'avion qui n'aboutit pas et vous mène ailleurs, de l'Indonésie à la Nouvelle-Zélande, en passant par Kuala Lumpur et le Cambodge.

Et tout est allé crescendo. Depuis le début de l'année 2014, j'ai éprouvé un sentiment de reconnaissance quasi quotidien. Devant la beauté de la nature, après une rencontre de hasard, une idée saisie au vol, face à la gentillesse d'un étranger, au partage, à la complicité et à la créativité nées de la rencontre de personnes qui se connaissaient à peine quelques jours auparavant... Cette chance, je me la suis donnée, mais je me suis souvent sentie privilégiée de faire l'expérience d'une telle liberté.

La première question que l'on me pose est "alors, le retour, pas trop dur?". Il y en a pourtant tellement d'autres... Alors non, le retour n'est pas dur, sincèrement. Il implique bien quelques petits arrangements et je me demande combien de temps ça va durer, mais je suis heureuse et j'ai bien l'intention d'entretenir cette lumière. On me sourie même spontanément dans les rues de Paris, c'est dire!

Car j'étais prête à rentrer, avec l'envie et le besoin de revoir mes proches.

Parce que j'ai réalisé l'un de mes rêves.

Et parce que ce voyage, il est aussi intérieur. Il  m'a mené vers la légèreté, la joie et la confiance, de la voix de la raison à celle du cœur, à l'écoute de mon instinct, et il continue à me porter vers l'autre, à la découverte du monde. C'est aussi un état d'esprit. On revient avec un autre regard.

Pour moi, le voyage est donc loin d'être fini: c'est un nouveau départ.

dimanche 1 juin 2014

Bienvenue en France!

Samedi 17 mai 2014, Melbourne, 23 heures. L'avion prend son élan sur le tarmac et décolle dans la nuit australienne. 14 heures de vol plus tard, du zapping entre des dizaines de films, la tête qui tombe de sommeil, me voici à Doha, au Qatar, entre mer et désert. S'ensuivent 8 heures d'attente dans un aéroport peuplé d'émirs, d'indiens et de voyageurs de différents coins du monde...Dimanche 18 mai, Doha, 14 heures, l'avion prend son élan sur le tarmac et décolle dans la chaleur écrasante du désert. 7 heures de vol plus tard, j'atterris à Charles de Gaulle, à Paris. 

Il fait beau, l'air est léger. 
C'est aussi le cœur léger que je pose le pied en France, le sourire aux lèvres. 
Je suis bien.

Ça, c'était jusqu'à ce que je renoue avec les chauffeurs de taxi parisiens...

*

"Tu verras, c'est pas loin, prends le taxi!" m'avait dit mon ami. Insouciante, je lui fais confiance, oubliant qu'il ne conduit jamais. J'évite les "taxis, taxis!" murmurés sous le manteau à l'arrivée (visiblement, les taxis officieux ne sont pas l'apanage des pays asiatiques) pour rejoindre la file d'attente des taxis officiels. 

Un homme élégant dans la force de l'âge m'ouvre la porte de son carrosse.
Moi: "Je vais à Domont, vous connaissez?"
Lui: "Si je connais?! Ça fait 39 ans que je fais ce métier, Mademoiselle! On prend l'A85 et l'A15, vous êtes d'accord?"
... 
Après neuf mois de vadrouille autour du monde, j'avoue que le sujet m'échappe un peu. 
Moi: "Je vous fais confiance. Mon ami m'a dit que ce n'était pas loin".
Lui: "Pas loin, pas loin... C'est quand même dans le Val d'Oise!"
Une légère alarme s'allume dans la nébuleuse de mes souvenirs sans pour autant parvenir à percer la brume épaisse qui recouvre mon passé parisien. Je décide de lui faire confiance.

Nous quittons l'aéroport, prenons la route et le compteur monte rapidement... 

Moi: "Vous êtes sûr de vous? Parce qu'il m'a vraiment dit que ce n'était pas loin".
Lui: "Mais oui. D'ailleurs, il y a l'usine Singer à Domont, vous êtes d'accord?"
Moi: "euh.... si vous le dites".

Soudain, après une heure de route et à la faveur d'une sortie, le panneau "Ermont" apparaît devant nous. Silence consterné... 
Lui: "J'ai confondu Ermont et Domont ! Je suis navré! Je m'en veux, si vous saviez!"
Moi, bonne âme: "C'est pas grave, ça arrive. Du moment qu'on finit par rejoindre Domont..."

Me voici saisie d'un doute : c'est bien d'être compréhensive, il a l'air de sincèrement s'en vouloir et ce n'est pas donné à tout le monde de voir le coucher de soleil sur Paris, comme il le souligne lui-même, mais après trente heures de voyage et douze heures de décalage horaire, j'aurais préféré voir le sourire de mon ami plutôt que la lumière du couchant sur la tour Eiffel. Je commence à lui en vouloir...

Le silence se fait. 1 heure 45 plus tard (au lieu de 30 minutes), nous arrivons à bon port. Et si nous arrivons à bon port, c'est parce que je sais lire un plan (on lui a volé son GPS, à mon chauffeur de taxi). Une dame blonde nous fait signe: "Anne, c'est ça? C'est ici. Votre ami est à l'hôpital mais vous pouvez entrer". A l'hôpital?! "Oui, il est parti il y a dix minutes"...

Il me faut d'abord régler la course. N'ayant pas demandé à passer autant de temps dans son taxi, aussi confortable soit-il, je décide de négocier. Habituée à l'Asie où l'on commence bas pour trouver un compromis, je lance: "A votre place, je ferais un geste commercial. Je crois même que j'offrirais la course". Moins habitué à l'Asie, mon chauffeur de taxi, se méprenant sur mon intention, se transforme, tel Hulk : adieu, échanges sympathiques et anodins, bonjour, intimidation verbale et physique. Il hausse le ton : "vous allez me payer 40 euros, point! Déjà que je vous fais grâce du détour par Ermont!" (comment dire...c'est un peu la moindre des choses...). Normalement, c'est 50, je vous fais moins 10 euros". 

Comme saisie d'un doute sur ses compétences, je rétorque : "C'est vous qui le dites. Je préfère vérifier le kilométrage sur Internet" et m'apprête à rentrer dans la maison pour mettre mes propos en application. 
Lui: "Si c'est comme ça, je garde votre sac. Je suis prêt à attendre trois heures s'il le faut!". 
J'ai bien l'intention de revenir le voir, mais il en a l'air moins certain... Ce qui ne m'empêche pas de le contredire:
Moi:"Pas question que je vous laisse mon sac!"
Lui:"Je le prends!"
Moi: "Non!"
Lui: "Si!" 
Moi:"Non!" 
Lui: "Si!"
Moi: "Non!"
Lui: "Si!" 
etc., etc., etc.,... en un beau crescendo. 

Faute de crier plus fort, je finis néanmoins par le lui laisser. Je rentre dans la maison et vérifie le kilométrage (26), multiplié par le tarif C (1,54), ce qui fait 40 euros. Je reviens: "J'ai vérifié. Le prix devrait être de 40 euros. Donc si vous me faites un prix, comme vous dites, je devrais vous payer 30". Il hurle: "déjà que j'ai attendu 15 minutes! Puisque c'est comme ça, j'emmène votre sac au poste de police!" et de traîner mon fidèle compagnon sur le bitume. Révoltée par le traitement qu'il lui inflige, je rétorque : "Et moi, je relève votre plaque d'immatriculation!".

De guerre lasse et malgré tout consciente de notre ridicule, je finis par lui donner la somme qu'il réclame. Je reprends mon sac, lance "Je ne vous remercie pas!" et rentre d'un pas décidé... Une fois à l'abri de la maison, je me laisse choir sur une chaise, bouleversée par toute cette tension, surprise par tant d'agressivité et par ma propre réaction : "Bienvenue en France!" me dis-je...

*


Épilogue

Mon ami va mieux. Ironie du sort, il était hospitalité à Eaubonne, à côté d'Ermont...

La voisine (la dame blonde) était heureuse d'avoir un peu d'animation : "mon fils est sorti, mon mari parle pas, j'ai pas d'amis, pas de famille... alors vous comprenez, je passe mes soirées ici". 

Maintenant, cette histoire me fait bien rire... Pauvre chauffeur. 

Moi qui était revenue si zen de mes neuf mois de voyage, la France me rappelle en moins de deux heures que rien n'est gagné! Le travail de toute une vie...

jeudi 29 mai 2014

Melbourne transition

Sur le chemin du retour, j'ai fait étape en Australie, à Melbourne, chez des amis rencontrés sur la route. J'avais passé quelques jours à Sydney à l'aller, sans être réellement conquise. Certes, on y trouve :

le fameux opéra


les montagnes bleues à une heure de train: 



et de drôles d'oiseaux en pleine ville


... mais à mes yeux, Sydney reste avant tout une grande ville à l'américaine.

Melbourne, en revanche, m'a rapidement séduite. Située en bord de mer, elle garde des restes d'architecture victorienne mêlés à la modernité la plus récente. On y trouve des quartiers avec leur propre identité, certains d'affaire, d'autres bohèmes, d'autres d'immigration (Chinatown, Italien...). En flânant dans ses rues ou à la descente d'un tramway, on peut tomber sur un concert, une impro, quelques notes de musique, une mélodie... Les musiciens y sont nombreux, dans la rue comme dans les salles et les bars. C'est une cité internationale et multiculturelle. En dépit de ses 4 millions d'habitants, on s'y sent bien et on peut facilement y passer une semaine, entre la great ocean road pour les excursions, la plage (Saint-Kilda, Brighton...), les montagnes alentours, et la ville elle-même: déambuler dans China Town, arpenter le Queens Victoria's Market, découvrir l'art australien, aborigène et occidental, parcourir les galeries, bars et restaurants... Ajoutez à cela une cuisine du monde entier (afghane, italienne, chinoise, africaine, européenne, bretonne...), et l'on comprend qu'elle soit classée parmi les villes les plus agréables à vivre. 




Bye bye, l'Australie, l'hémisphère Nord a fini par m'appeler, à la faveur de l'été...





dimanche 11 mai 2014

Contes et légendes des terres lointaines d'Aotearoa - pour tous ceux qui ont gardé un sens du merveilleux

Aotearoa ou le nom maori de la Nouvelle-Zélande: "le pays du long nuage blanc". Venus des îles polynésiennes du Pacifique en pirogues, les Maoris sont les premiers à avoir peuplé ces terres à partir du 8ème siècle, jusqu'alors vierges de la présence des hommes. Ils ont leurs propres traditions, des mythes fondateurs ainsi que de nombreux contes et légendes. J'ai choisi de partager avec vous celui qu'un Kiwi m'a raconté un soir, à Oamaru, alors que je venais d'arriver à Aotearoa...










Māui et le poisson géant




"Māui rêvait du jour où il pourrait aller pêcher avec ses grands frères...

A chaque fois que ces derniers rentraient de la pêche, Māui demandait: "la prochaine fois, je peux venir avec vous?".

Mais ses frères trouvaient toujours une excuse: "non, tu es beaucoup trop jeune pour venir pêcher avec nous" ou encore "Nous avons besoin de tout l'espace du Waka* pour entreposer les nombreux poissons que nous attrapons."

"Je me ferai tout petit, c'est juré, et je ne vous créerai pas de problèmes" tentait d'argumenter Māui.

L'aîné de ses frères répondait: "tu es si maigre qu'on pourrait te confondre avec un appas et te jeter par dessus-bord pour nourrir les poissons".

Ces propos mettaient Māui en colère: "je leur apprendrai, se disait-il à lui-même, je leur prouverai à quel point je suis doué".

Māui conçut un plan secret pour démontrer qu'il était un grand pêcheur. Une nuit où il était seul, il commença à tisser une ligne de pêche dans du fil de lin. Tandis qu'il tissait, il récita un vieux karakia* pour donner de la force à son filet.

Lorsqu'il eut finit, Māui pris un os maxillaire que son ancêtre Murirangawhenua lui avait donné et il l'attacha soigneusement à sa ligne.

Au petit matin, Māui pris sa ligne de pêche et se dissimula dans la coque du canoë de ses frères.

Lorsque les frères de Māui poussèrent le canoë dans la mer, ils remarquèrent une légère différence. 

"Le canoë est beaucoup plus lourd, ce matin, tu es sûr que tu m'aides?" dit l'un.
"Je pense que tu as mangé trop de Kumara***!" dit un autre.
"Arrêtez-vos querelles et montez à bord!" dit l'aîné.

Aucun des frères ne remarqua Māui, caché dans la coque.

Lorsque Māui les entendit lever l'ancre, il sut qu'ils étaient déjà trop loin de la terre pour faire demi-tour. Il révéla alors sa présence à la plus grande surprise de ses frères.

"Quoi!"
"Qu'est-ce que tu fais là?"
"Tu nous as piégé!"
"Pas étonnant qu'on n'ait attrapé aucun poisson!"

Les frères étaient en colère contre Māui, mais ce dernier prit la parole:

"Je suis venu pêcher parce que Murirangawhenua m'a dit que je deviendrai un grand pêcheur. Jetez vos lignes à la mer pendant que je récite mon karakia et vous attraperez plus de poisson que vous n'en avez jamais eu".

Māui commença son Karakia.

Les frères jetèrent leurs lignes à l'eau et commencèrent immédiatement à attraper des poissons. Ils les tiraient l'un après l'autre dans leur waka. Celui-ci fut plein en un rien de temps et les frères se félicitèrent de leur prise: "Nous sommes les meilleurs pêcheurs au monde!" se congratulèrent-ils.

"Maintenant, c'est mon tour", dit Māui.

Les frères se mirent à rire lorsqu'ils le virent sortir sa ligne de pêche de son sac.

"Tu auras de la chance si tu attrapes une algue avec ça!"
"ou même un morceau de bois!"

Les frères n'en pouvaient plus de rire. Plutôt que de les écouter, Māui récita son karakia et prépara sa ligne.

"Pouvez-vous me donner un appas pour mon hameçon?" demanda-t-il à ses frères.
Mais ses frères se contentèrent de rire plus fort.

Alors, Māui serra son poing et se donna un coup sur le nez. Son nez saigna et Māui couvrit son hameçon de son propre sang.

Puis il se dressa à l'avant du canoë et fit tournoyer sa ligne au-dessus de sa tête en récitant son karakia. Il la laissa filer dans la mer et elle s'enfonça jusque dans les profondeurs du domaine de Tangaroa*.

Aussitôt, l'hameçon fut pris. La ligne de Māui se tendit subitement. Ses frères cessèrent de rire et se retinrent de toutes leurs forces au waka qui accéléra sa course sur l'océan.

"Coupe la ligne!" cria un frère, tremblant sur son siège.
"Nous allons nous noyer", dit un autre. "S'il te plaît, Māui, coupe la ligne!"

Mais Māui continua à tenir sa ligne fermement jusqu'à tirer lentement à la surface un poisson géant. D'effroi, les frères se blottirent les uns contre les autres et le poisson géant sauta par-dessus leur petit canoë.

"C'est le poisson dont notre grand-mère, Murirangawhenua, a prédit qu'il nous serait offert", dit Māui. "Gardez le et je reviendrai vite avec de l'aide".

Les frères acceptèrent de rester et Māui se mit en route pour Hawaiki*.

Cependant, dès qu'il fut parti, les frères commencèrent à découper le poisson géant avec avidité, en en réclamant d'énormes morceaux pour eux, comme s'il leur appartenait.

Lorsque Māui revint avec des renforts, tous ceux qui l'avaient accompagné contemplèrent le poisson géant avec stupéfaction.

"Māui est le meilleur pêcheur au monde", s’émerveillèrent-ils.

Alors qu'ils approchaient, ils virent les frères continuer à découper le poisson et à s'en disputer les morceaux; ils les virent comme les frères avides qu'ils étaient. Leur avidité était telle qu'ils avaient découpé des ravins et des montagnes dans la chair du poisson.

Dans les centaines et milliers d'années qui suivirent, ce sont les ravins et les montagnes taillés dans la chair du poisson qui formèrent le paysage d'Aotearoa tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Les oiseaux, les plantes, les animaux et les hommes d'Hawaiki peuplèrent le poisson géant de Māui.

Et avec le temps, le poisson géant de Māui forma l'île du Nord d'Aotearoa tandis que le canoë du jeune garçon forma l'île du Sud.






Petit lexique :
* waka: mot Maori pour désigner une pirogue
* karakia: mot maori pour désigner une incantation ou une prière
* kumara: nom d'une sorte de pomme de terre douce
* Tangarao (également appelé Ta'aroa, Tagaroa ou encore Tagaloa) est une des principales divinités des îles du Pacifique. souvent vénéré comme un dieu de la mer
* Hawaiki est une île mythique du Pacifique où les peuples polynésiens situent leur origine. Après la mort, leur esprit retournerait dans cette île originelle. 

Quelques images de l'île du Nord

La Nouvelle-Zélande se compose de deux îles, celle du Sud et celle du Nord. La première est moins peuplée et les paysages y sont superbes: on m'avait conseillée de la privilégier. La seconde n'en a pas moins d'intérêt, elle est simplement différente : la culture Maorie y est plus présente, on y trouve de véritables villes, comme Wellington (le café y est un art et les musiciens y sont nombreux), Napier, connue pour son architecture art déco, et Auckland, le cœur économique du pays ("juste une grande ville" selon de nombreux voyageurs), sans oublier des volcans, des plages (Coromandel et Northland), des falaises et de belles randonnées, dont le Tongariro crossing. Personnellement, je n'ai toujours pas croisé de Kiwis, mais il semblerait qu'ils se balladent sur les routes...

Je me suis contentée d'effleurer l'île du Nord : l'automne était arrivé et j'ai préféré retourner à Riverside dans l'île du Sud pour y finir mon séjour tranquillement. Après neuf mois de voyage, on apprécie de se poser dans un lieu ami. Sur la route du retour, j'ai fait étape à Rotorua, connue pour son activité géothermique et son odeur de souffre, puis à New Plymouth et au Mont Taranaki, qui pourrait être le frère du Mont Fuji. Quelques images de cette échappée sur l'île du Nord :


Wellington, sa baie, son port et un drôle de guitariste 







Rotorua 

(il y a beaucoup à y faire, mais le hasard des rencontres m'a conduite à n'y passer qu'une soirée)



New Plymouth et Mont Taranaki

 Sur la route ( on the "forgotten highway")
 Petite rando au pied du Mont Taranaki

 Le mont Taranaki à la faveur d'une éclaircie

La plage de surf de New Plymouth